KAZY LAMBIST

On ne prendra qu’un risque mesuré à avancer qu’il faudra suivre ce garçon de très près. Visage glabre, sourire généreux, il impose encore un physique à la candeur juvénile. Des gestes contenus, une extrême modestie et un sens du fun qui empêchent irrémédiablement la culture du melon. Rien à signaler donc à la surface des choses. Arthur Dubreucq – son vrai nom au civil – n’a que 23 ans. Et seulement derrière lui, le bac et quelques semestres d’études à la fac. Fricotant avec la pop pour mieux tromper l’electro, il bricole à la maison son propre univers, racé et mélodieux. En un an à peine, le Montpelliérain commence à faire sérieusement causer de lui.

Suivant des cours de piano à domicile dès l’âge de 7 ans, le jeune Arthur est déjà aspiré par des velléités créatives. Malgré le passage obligatoire de l’apprentissage des classiques, c’est cette approche – là qui le démange. Pas d’artiste dans la famille ou dans l’entourage. Mais les parents ont la curiosité mélomane, surtout le père. A la maison, on n’écoute pas seulement Gainsbourg. La bande originale du film Virgin Suicides par Air et des musiques africaines squattent le lecteur cd. Au lycée, il monte avec ses potes un groupe de rock. Déjà, il officie comme tête pensante. Entendre par là : c’est lui qui compose. Puis le voilà qui s’envole pour un échange scolaire au Canada.

Plongée en territoire anglophone, près de l’Alaska. Afin de trouver une alternative aux longues étendues de forêt et à la neige abondante, la musique vient à sa rescousse. C’est là – bas qu’il découvre le jazz nord-américain et le hip-hop. Il sympathise avec des jeunes du coin. La barrière de la langue ne lui permet pas de rapper. Alors il bidouille sur son ordinateur et compose des boucles pour les passer en soirée. Cette expérience salvatrice ne fait que renforcer chez lui l’idée d’une destinée musicale. A son retour, il monte Anti-Premier, un collectif qui se caractérise par des collaborations et des partages de projets sur le net. Aussi, on le verra remixer Sarah Blasko, Kohann et même Notorious Big. Le hip-hop lui colle aux basques. Dans un élan spontané, il dira d’ailleurs à ce sujet : « Je suis un artiste hip-hop incompris et frustré. Je commence toujours avec la volonté de faire un gros son hip-hop et ça finit toujours dans les aigus… ». Kazy Lambist met en ligne quelques morceaux sur la toile dont le lumineux Headson. Ni Radio Nova qui le joue en playlist, ni le magazine Elle qui l’intègre à sa compil Summer It Songs ne passent à côté. Il faut dire que le raffinement de cet élégant alchimiste se situe aux antipodes de la baston érigée en règle par certains de ses contemporains. 1er EP signé sur le jeune label indé Opening Night, il en devient rapidement la valeur montante. Stagnant longtemps en dessous de 10 000 écoutes, l’estival Doing Yoga a franchi récemment la barre du million. Et compte-tenu du potentiel de la chanson, inutile de préciser que la courbe n’a fini d’être ascendante. D’ailleurs, il vient de rafler, en septembre dernier, le prix particulièrement prisé du public lors du concours des Inrocks lab. Quand on connaît le parcours artistique des précédents lauréats, les voyants sont au vert.

Ne pas chercher une quelconque légende ou anecdote concernant le choix du nom de scène Kazy Lambist. Il s’agit d’un inconscient assemblage de lettres. Pour sonner rappeur. Le hip-hop, on en revient toujours là. Ne pas, non plus, l’enfermer dans des cases, et encore moins se lancer dans la comparaison avec d’autres artistes. Hormis Metronomy qu’il vénère par dessus-tout, il ne s’est pas forcément reconnu dans ce qui a été écrit jusqu’ici. On se lance néanmoins dans quelques qualificatifs pour définir son electro-pop : planante, rêveuse, tropicale, solaire, chill-wave… Aucun chemin balisé chez lui, si ce n’est un refus de la répétition et de la boucle à l’infini. C’est un obsessionnel mélodique qui préfère embrasser la fraîcheur plutôt que la technique. Ses morceaux, changeants comme ses fantasmes, visent l’euphorie des sens. Sollicitent la tête et les jambes pour danser sans tapage. Une séduction immédiate, hospitalière, diablement contagieuse à l’image de On you, morceau à la force d’attraction irrésistible qui donne de furieuses envies de nage libre.

Sur scène, Kazy Lambist fonctionne actuellement en trio avec le bas siste Amaury et la chanteuse Amoué dont la voix expressive et veloutée se marie à merveille à la sienne. Il vit toujours à Montpellier. Là encore, on ne prendra pas un risque insensé en anticipant que son fief natal deviendra vite trop étroit. Parce qu’à ce rythme-là, il ne va vraiment pas tarder à agrandir la taille de son fan-club, la preuve avec le succès de son tout dernier titre Be Yourself.

KAZY LAMBIST
Mercredi 28 novembre 2018