FRITZ KALKBRENNER

Fritz s’est fait un prénom. Ce que vient confirmer magistralement son troisième album Ways Over Water dont le décollage est prévu pour le 27 octobre. On peut le considérer comme étant son plus abouti à ce jour, son plus personnel également. A n’en pas douter, le producteur et chanteur est l’un des talents électroniques les plus originaux à avoir émergé d’Allemagne ces dernières années, et pourtant on sait qu’ils sont nombreux. Le premier single “Back Home” est l’exemple parfait de son style particulier habité par une house pop ciselée très mélodique, tout à fait capable aussi de s’aventurer sur le dancefloor. Une musique au service d’une voix – son atout majeur – qui vous prend aux tripes. C’est d’ailleurs elle qui l’avait fait entrer de plain-pied dans l’électro avec sa première production “Sky and Sand” à l’automne 2008, joyaux de la bande originale du fameux film Berlin Calling dont son frère, Paul, était le héros. Fritz dont les influences étaient jusque-là très hip hop, soul, démarrait une irrésistible ascension dans les sphères des musiques électroniques.

Comme ses prédécesseurs (Here Today Gone Tomorrow en 2010 et Sick Travellin’ en 2012), Ways over Water a été produit dans les studios Suol, son label, dans le quartier de Kreutzberg, au milieu de l’ex-Berlin Est, où il est né en 1981. S’il s’appuie toujours sur sa voix, Fritz pousse encore plus loin une formule unique qui le voit abattre avec bonheur les frontières de la pop, de la techno et de la soul. Sa production très organique – on entend même pour la première fois des cuivres – ne renie pas non plus les fondamentaux de la musique électronique : il est fortement conseillé de danser en écoutant le tournoyant “Every Day” et sa lente montée en puissance, “The Sun” et son beat indomptable ou le somptueux instrumental très deep house “Fake Magic”. Fritz innove aussi au fil des morceaux, en disséminant ça et là, des petites touches afro-beat comme sur le riff de guitare de “Pass The Buck” ou le saxophone de “Front of The World” qui sonne un peu comme du Fela Kuti au ralenti. Logique puisque lorsqu’on est un fervent de soul comme le Berlinois, on ne peut qu’aimer les musiques africaines. Impossible ne pas parler d’album de la maturité pour ce bien nommé “Ways over Water”. Un ovni aussi par sa personnalité atypique qui s’élève effectivement très au-dessus du marécage de la surproduction musicale actuelle.

En écoutant des morceaux comme “Void” ou “Stranger in a Strange Land” on a aussi l’impression d’entendre un orfèvre du son aux idées larges qui met sa science au service du bonheur des autres. Merci Fritz, un homme libre soucieux d’inventer de nouveaux modèles, comme le montre son récent engagement aux côtés de BMG Rights Management, un service aux artistes qui lui garantit davantage d’indépendance et de contrôle grâce à un partage des coûts et des bénéfices. Avec ce troisième album, on est maintenant certain que désormais l’électro possède elle aussi “The Voice”.

FRITZ KALKBRENNER
Jeudi 15 janvier 2015